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Couverture d'une édition populaire mexicaine des aventures de Chucho el Roto (début des années 1960). En médaillon : Arriaga déguisé en curé, et en bourgeois. |
Laurent Zaïche présentait voilà peu sur son blogue (Le Moine Bleu) quelques notes préparatoires (demeurées jusqu'ici inédites) à son avant-propos de notre ouvrage Chucho el Roto, Dandy d'honneur. Comme on le verra, la thématique du masque y est déjà bien présente, ainsi que des réflexions ébauchées sur les rapports ordinaires du crime et de la révolte, qui rappelleront évidemment bien des choses aux lecteurs et lectrices de Dynamite ! de Louis Adamic.
Notes sur Chucho el roto
Barbarie actuelle au Mexique. Ce qui domine, l’opacité. La
vérité sera connue plus tard, comme d’habitude. Telle est la logique des grands
carnages. En attendant, donc : carnage. Dante. Agrippa d’Aubigné.
Liaisons dialectiques Banditisme-Révolution. Objet d’une importante littérature. Question au fond
jamais tranchée. Condamnation à la fois pertinente et insuffisante du Lumpen
par Marx, Hobsbawm, Adamic (Dynamite !),
etc. Le Crime : « violence obligée des pauvres après la victoire du
Capital » (Manchette). Crime : produit de la violence capitaliste et
réaction de survie, d’adaptation
à ce système, y compris à ses codes, que le Crime ne subvertit pas, mais radicalise, prend en quelque sorte au mot. Assurance de la promotion sociale du criminel que
la légalité bourgeoise lui refuse dans les faits. Au mensonge formel capitaliste
s’opposent ainsi : dissimulation, clandestinité, secret criminels, lesquels auront tôt fait de tomber sous
le coup de la critique cléricale ou moralisante, etc. Fausseté contre fausseté.
Statut, cependant, de la fourberie et du mensonge dans la société
d’après. Comment revenir sur ces habitudes
d’avant ? Est-ce souhaitable ?
Ruse recyclable ? Voir là-dessus Chucho. Son intelligence d’adaptation.
Question de la possibilité seulement de l’entrée en communisme d’anciens menteurs par nécessité, ayant de fait aimé le mensonge comme leur sécurité. L’ayant aimé au plus intime.
C’est en cela que les habitudes
de Chucho sont passionnantes. Chucho se travestit pour commettre ses crimes. Son talent du déguisement : poussé
nous dit-on au génie. Pas
seulement extérieurement : dans l’emprunt des codes symboliques mêmes de
cette bourgeoisie qu’il dépouille, et à laquelle de fait il ressemble furieusement.
Cette bourgeoisie portant le
masque de l’humanité légale abstraite se
heurte ainsi au bandit dont le propre masque, contrairement à celui de la
classe ennemie, dirait plutôt la foncière honnêteté. Le masque du bandit : sa vérité d’homme libre. Sa vérité plastique. Expression
spectaculaire de son authentique visage. Cette vérité, parfaitement entendue
ailleurs, au plan esthétique, dans d’autres conditions (Goya, Ensor). Elle
trouve ici son équivalent politique. Le masqué : à la fois le puissant,
l’agent de la justice historique, de la vérité profonde. Opposées au visage dégagé, autrement dissimulateur et fourbe, de la
Domination.
Le Masque. Le Mexique s’en est
fait une coutume : « lutte libre », etc.
Chucho hier, Marcos aujourd’hui.
Immortalité du premier.
(Laurent Zaïche, 2011-2012)
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